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Observations du 9 novembre 2024 Double amas de Persée NGC
869 - 884 Jupiter et la grande tache
rouge M42 Orion |
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Tandis que la plaine d’Alsace n’en finissait pas d’être
sous les nuages bas depuis plusieurs jours voire semaines (phénomène
classique en automne et hiver lorsqu’il y a des hautes pressions), le massif
du Champ du feu parvenait quant à lui à extraire le bout de son nez -
c’est-à-dire de son sommet - en dehors de cette purée de pois atmosphérique,
confirmant au besoin encore l’importance primordiale de ce site pour les
astronomes d’Alsace. Je me suis donc rendu une nouvelle fois au Champ du feu
le 9 novembre 2024. Bien que le site du Champ du feu ait été au-dessus de la
couche de nuages bas, la soirée n’avait pas très bien débuté avec un ciel
hésitant entre zones dégagées et passages nuageux de haute altitude. Cela ne m’a pas inquiété outre mesure car l’objectif de
la soirée était d’observer Jupiter et le transit de la grande tache rouge qui
devait intervenir au méridien de la planète vers minuit, ce qui laissait au
ciel largement le temps de s’améliorer.
Étant arrivé tôt vers 17 H pour installer le télescope de
jour et compte-tenu par ailleurs de la présence d’un quartier de lune gênant
en première partie de nuit, une fois la nuit tombée vers 19 heures - et dans
l’attente de pointer Jupiter - j’ai jeté mon dévolu sur un objet lumineux du
ciel profond à savoir le double amas de Persée (NGC 869 & NGC 884). Il s’agit de deux amas ouverts, frères dans le sens où
ils seraient nés d’une même nébuleuse. Je vous prie de bien vouloir trouver ci-dessous une image
du double amas, issu du compositage de 147 poses de
30 secondes à 800 ISO, acquises avec un télescope T200/1000 mm et un appareil
photo numérique EOS RA. Heureusement les nuages d’altitude se sont tenus à
l’écart du champ photographique, passant à côté. Vers 22 heures 30, alors que le ciel était enfin
totalement dégagé, un autre astronome amateur (Lucas d’Eckbolsheim)
disposant d’un outil de mesure de l’humidité et du point de rosée est venu
bien sympathiquement me prévenir du fait que le taux d’humidité avait grimpé
à 99 % et que le point de rosée était atteint. Grâce à lui j’ai immédiatement vérifié l’état du miroir
primaire de mon télescope et constaté qu’en effet des gouttelettes d’humidité
commençaient à perler dessus. J’ai alors stoppé les acquisitions d’images pour refermer
le tube du télescope, dans l’espoir hypothétique que le taux d’humidité
finisse par redescendre, sachant que la présence de la grande tache rouge de
Jupiter au méridien de la planète devait intervenir à minuit ce qui laissait
peu de temps… Par chance après ce pic d’humidité, celle-ci s’est
effectivement mise à baisser et les instruments ont séché, permettant de
rouvrir le tube du télescope à minuit. J’ai toutefois été confronté à une nouvelle difficulté
pour imager Jupiter : mon ordinateur âgé et dont les performances ne sont
plus compatibles avec l’imagerie planétaire laquelle nécessite des
acquisitions d’images à haute fréquence. Pour couronner le tout, les
performances de mon ordinateur se sont retrouvées encore dégradées par le
lancement automatique et inopiné d’une analyse antivirus… Tandis que j’étais censé acquérir environ 100 images par
seconde grâce à ma caméra astronomique (une ASI 224 MC couplée à une Barlow
x5), du fait de l’ordinateur le débit d’image a plafonné à seulement 44
images par seconde (la plupart des images ayant été perdues - "dropped") soit un débit inférieur à ce que n’importe
quel appareil photo moderne pourrait réaliser. J’avais d’ailleurs hésité à traiter ces images mais
contre toute attente le résultat final issu du compositage
(sous Autostakkert) ne semble pas en avoir
souffert. 1100 poses compositées
(à partir d’une vidéo d’une minute et trente secondes) : 1100 poses compositées
(à partir d’une vidéo d’une minute et trente secondes) : Le traitement a été effectué avec les logiciels Registax et Lightroom. La stabilité du ciel, liée à l’élévation de Jupiter (environ
50 °), a probablement permis de limiter la casse. Le point visible à droite de Jupiter sur la première image
est le satellite Io. Après cette séance d’imagerie sur Jupiter, j’ai commencé
à démonter mon télescope. En cours de démontage et voyant la magnifique constellation
d’Orion arriver, je n’ai pas pu m’empêcher de remonter le télescope pour
pointer M42… En effet les hivers sont de plus en plus humides et il
n’y aurait peut-être pas eu d’autre occasion de revoir M42 avant un long
moment. Les images ci-dessous sont issues du compositage
de 143 images de 30 secondes chacune, réalisées avec un télescope T200/1000
mm et un appareil photo numérique EOS RA. La nébuleuse bleutée située à droite de l’image (NGC
1977) évoque pour les astronomes amateurs anglo-saxons un « running man » et
pour les astronomes amateurs alsaciens le « Manele
» (Bas-Rhin) ou « Manala » (Haut-Rhin) régional. Le ciel est parfois bien involontairement farceur. Afin de ne pas trop saturer le cœur de M42, le gain a été
fixé à seulement 200 ISO. Avec les nouveaux capteurs CMOS, plus les ISO sont
faibles moins le rendu est (paradoxalement) bon (apparition d’un phénomène de
banding, bruit de lecture etc). Hors cas très particulier comme ici, une sensibilité
aussi basse est à proscrire en imagerie du ciel profond. Je joins une autre image avec traitement différencié du
cœur de la nébuleuse, permettant de mieux distinguer les détails de celui-ci
et le trapèze niché en son centre. Pour l’anecdote, ma redescente du Champ du feu vers
Strasbourg a été retardée pendant un quart d’heure par… un lapin de garenne
refusant de quitter la route, celui-ci courant obstinément devant la voiture
(roulant au pas) - y compris dans les virages - plutôt que de rejoindre le
talus. Ce n’est qu’au bout d’un quart d’heure et après avoir arrêté la
voiture - à 3 reprises – et ouvert la vitre pour le faire fuir que ce lapin a
finalement daigné quitter la route… Lorsque je suis redescendu du Champ du feu, j’ai troqué
un ciel parfaitement étoilé et sec pour les brumes épaisses et bruines de la
plaine d’Alsace… |