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L’EOS Ra de Canon : avis d’un
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Pendant plusieurs années j’ai utilisé en
astrophotographie du ciel profond un appareil photo numérique reflex de type
Canon 600D, refiltré par un prestataire tiers afin
de laisser passer davantage le rayonnement H alpha (longueur d’onde émise par
l’hydrogène contenu essentiellement au sein des nébuleuses). Mon 600D refiltré m’a apporté
beaucoup de satisfaction mais son utilisation présentait certaines
contraintes liées à : - la présence dans le boitier d’un mécanisme à miroir,
provoquant des vibrations (risque de déformation des étoiles) et nécessitant
d’activer une commande de relevage du miroir avant enclenchement des poses
photographiques ; - la présence d’un obturateur mécanique, pouvant
également provoquer (dans une moindre mesure) des vibrations ; - une balance manuelle des couleurs imparfaite (due au refiltrage de l’appareil), impliquant - pour un résultat
optimal - un réglage de celle-ci lors du traitement. Lorsque les premiers appareils hybrides sont arrivés sur
le marché, j’y ai prêté une attention particulière dans la mesure où leur
conception fait qu’ils sont dépourvus des parties mécaniques susceptibles
d’engendrer les vibrations évoquées ci-avant. J’étais d’ailleurs sur le point d’acquérir un appareil
photo hybride et de le faire refiltrer lorsque
Canon a annoncé le lancement de l’EOS Ra. Cet appareil, arrivé à point nommé, présentait d’emblée
les deux principaux avantages que je recherchais à savoir : - un système hybride sans miroir et avec obturateur
électronique donc sans aucune vibration, - surtout, un filtre spécial équipant d’emblée l’appareil
et permettant de laisser passer la quasi-totalité du rayonnement H alpha. Après son précédent modèle d’appareil reflex 60 Da
consacré à l’astrophotographie, Canon n’avait ainsi pas oublié les astrophotographes en sortant son nouveau modèle hybride
EOS Ra. A noter que Canon est ainsi l’un des rares fabricants d’appareils
photo qui prend en compte les besoins des astrophotographes
et cela mérite d’être souligné. J’ai acquis l’EOS Ra quasiment dès sa sortie, alors qu’il
n’existait aucun recul sur le fonctionnement de celui-ci en pratique hormis
les communications officielles de la marque. Avant de l’acquérir, j’avais toutefois lu des articles à
son sujet (certains articles documentés laissaient entrevoir un bel outil et,
à l’opposé, d’autres non documentés semblaient assez orientés contre la
marque)… Ayant utilisé cet outil depuis janvier 2020, mon avis est
le suivant. Ce que j’apprécie : Après avoir testé l’EOS Ra à plusieurs reprises, je ne
regrette pas mon acquisition. Les raisons étant nombreuses, je vais les énumérer ci-dessous
par liste dans un souci de clarté : - comme indiqué ci-avant : absence de toute vibration
compte-tenu de l’absence de miroir et de la possibilité de faire passer
l’obturateur mécanique en mode obturateur électronique ; existence d’un
filtre spécialement conçu pour laisser passer la quasi-totalité du
rayonnement H alpha de l’hydrogène, - en l’absence de toute utilité de faire refiltrer l’appareil par un prestataire tiers (puisqu’un
filtre spécial équipe d’emblée l’appareil), pas de perte de la garantie du
constructeur, - calibration de la balance des couleurs faite en usine,
aboutissant à un équilibre des couleurs bien meilleur que celui qui
résulterait d’une calibration manuelle faite après refiltrage
par un prestataire tiers, - très belle colorimétrie, comme toujours chez Canon, - capteur plein format, permettant d’accroître
considérablement le champ du ciel photographié (par rapport au format APS-C), - capteur d’une résolution de 30,3 millions de pixels
avec des photosites de 5.34 µm, ce qui constitue un
juste équilibre entre d’une part la recherche d’une bonne résolution
(permettant de réaliser de beaux « crops ») et
d’autre part la recherche d’une bonne dynamique et d’un faible bruit numérique, - boitier tropicalisé, atout auquel on ne pense pas
souvent mais qui est très important lorsque l’on réalise de longs travaux
d’imagerie dans l’humidité de la nuit (la rosée étant capable de mouiller
littéralement les instruments), - existence d’un rideau de protection devant le capteur,
très pratique pour éviter le dépôt de poussières particulièrement néfastes en
astrophotographie, - accès à un véritable format brut d’image via
l’extension raw CR3, la plupart des astrophotographes étant désireux d’éviter les
prétraitements internes au boîtier et de conserver ainsi toute la maîtrise de
leurs traitements, - pour les astrophotographes
préférant néanmoins activer les prétraitements du boîtier, le processeur
DIGIC 8 s’avère particulièrement efficace pour limiter le bruit, - images raw de 14 bits,
assurant une bonne dynamique lors du traitement, - bonne autonomie énergétique, une batterie suffisant à
assurer le fonctionnement de l’appareil en longues poses durant une nuit
entière, - existence d’un écran tactile extrêmement pratique et
sensible, facilitant les réglages de nuit, - mise au point grandement facilitée par la possibilité
de zoomer sur les étoiles jusqu’à 30 fois (j’avoue que l’importance de ce
zoom m’a dans un premier temps déconcerté - d’autant plus que j’utilise
essentiellement l’EOS Ra avec un télescope d’un mètre de focale - mais une
fois que l’on s’y est habitué on ne s’en passe plus et l’on ne voudrait
assurément plus revenir en arrière), - excellente sensibilité de l’autofocus ; avec un
objectif assez ouvert il est possible de faire la mise au point en autofocus
sur une étoile modérément brillante ou sur un paysage crépusculaire déjà bien
sombre ; - boitier léger (économie de poids bienvenue sur un
télescope qui est en effet déjà souvent chargé en accessoires), agréable à
manipuler et dont le revêtement en alliage de magnésium favorise un
refroidissement passif (facteur important en astrophographie
car cette discipline sollicite particulièrement les appareils photos avec une
utilisation parfois ininterrompue pendant de longues heures), - bonne gestion du bruit numérique dans les sensibilités
iso élevées ; l’EOS Ra fait aussi bien voire souvent mieux que certains
autres modèles (à taille de photosites et à
génération comparables) comme l’attestent les courbes de bruit publiées par
les laboratoires après tests ; l’EOS Ra serait crédité d’un score en Low Light ISO de 6423 (cf.
https://www.photonstophotos.net/Charts/PDR.htm) Cet appareil qui cumule ainsi les avantages en
astrophotographie comporte-t-il néanmoins des inconvénients ? Ce que j’apprécie moins
: La perfection n’étant pas de ce monde, on regrettera
notamment l’absence d’intervallomètre interne au
boitier. S’il reste bien entendu possible d’utiliser un intervallomètre externe, cette absence d’intervallomètre interne est surprenante pour un boitier
dédié à l’astrophotographie puisque l’une des techniques principales de
l’astrophotographie consiste précisément à acquérir un maximum d’images
brutes pour les empiler ensuite au moyen d’un logiciel dédié (cette technique
dite du compositage permet d’améliorer le rapport
signal sur bruit et est incontournable pour imager les objets faiblement
lumineux du ciel profond). Par ailleurs, on peut regretter que le capteur ne soit
pas rétroéclairé. L’EOS Ra, qui dispose déjà d’une belle sensibilité et d’une
belle gestion du bruit, aurait probablement gagné davantage à être doté d’un
système de rétroéclairage. A noter également que l’EOS Ra n’est pas ISO invariant,
du moins s’agissant des sensibilités inférieures à 5000 ISO. Enfin, on pourra encore signaler que la bague
d'adaptation EF-EOS R n’est pas fournie avec le boîtier tandis qu’elle est
nécessaire pour raccorder l’EOS Ra à un télescope. Pour un boîtier dédié à
l’astrophotographie on aurait pu s’attendre à ce que cette bague soit
d’emblée fournie. Il est toutefois vrai que ceux qui souhaitent utiliser
l’EOS Ra uniquement avec des objectifs RF n’auront pas besoin de cette bague.
Quelle est la
sensibilité ISO optimale pour l’EOS Ra ? En astrophotographie (c’est-à-dire dans des conditions de
faible lumière) il faudra éviter avec l’EOS Ra d’utiliser une sensibilité
inférieure à 800 ISO car le ratio signal sur bruit de lecture est plus faible
dans les basses sensibilités. En deçà de 800 ISO, le bruit de lecture (bien que
contenu) risque de se traduire par des ombres mouchetées de bleu. A partir de 5000 / 6400 ISO environ, le bruit de lecture
est au plus bas : Cf. https://www.photonstophotos.net C’est donc en théorie aux alentours de ces valeurs de
5000 / 6400 ISO que le fonctionnement du boitier est optimal en
astrophotographie. Ces hautes valeurs ISO pourront être utilisées sans
difficulté en poses courtes (c’est-à-dire jusqu’à plusieurs secondes). S’agissant néanmoins des poses longues, il sera rappelé qu’un
réglage de sensibilité trop haute risque de "cramer" - c’est-à-dire
de saturer - le cœur de certaines galaxies ou les
étoiles brillantes, tout étant affaire de juste dosage et d’arbitrage… Personnellement pour l’imagerie en longues poses
j’utilise pour l’instant une sensibilité entre 800 et 2500 ISO qui me
convient très bien mais cette sensibilité pourrait être augmentée. En tout état de cause, monter la sensibilité ISO au-delà
d’une valeur de 6400 ISO me paraît inutile en astrophotographie puisque le
bruit de lecture de l’EOS Ra semble atteindre son minimum aux environs de
cette valeur pour se stabiliser ensuite.
Avec quels outils
utilise-t-on au mieux l’EOS Ra ? : Les avantages - inconvénients intrinsèques à l’appareil
ayant été évoqués, reste à savoir avec quels outils on peut l’utiliser au
mieux. Est-ce au foyer d’un télescope, d’une lunette
astronomique ? Ou derrière un objectif RF ? Il n’y a pas de réponse tranchée à cette question tant l’EOS
Ra est polyvalent. Canon développe des objectifs RF performants et compacts,
dont ceux très ouverts sont assurément aptes à un usage en astrophotographie
grand champ. Notamment l’objectif RF 70-200 mm ouvert à 2.8, dont les
caractéristiques laissent espérer de très belles images du ciel profond en
grand champ mais dont je ne dispose malheureusement pas… Pour ma part j’utilise l’EOS Ra notamment derrière un
objectif RF de 35 mm ouvert à 2.8 pour un résultat piqué et lumineux. A titre d’exemple, la photographie ci-dessous, montrant
des nuages noctulescents uniquement visibles à la
tombée de la nuit, a été prise avec cette configuration. Nuages
noctulescents, pose unique de 0,6 seconde à 800 ISO
avec objectif RF 35 mm ouvet à 2.8 (cliquer sur
l’image pour agrandir) S’agissant du raccordement de l’EOS Ra au foyer d’un
télescope, il s’agit de ma principale manière de l’utiliser. Il faut alors
régler le mode « obturation sans
objectif » du menu sur « on »
sinon l’appareil ne fonctionnera pas. Je dispose d’un télescope Newton Skywatcher
200/1000 mm et j’ai été agréablement surpris de constater qu’en dépit du
passage du format APS-C de mon ancien 600D au plein format de l’EOS Ra, le
vignettage au foyer de ce télescope n’est pas trop présent comme on le voit
sur l’image flat ci-dessous : Flat
au Newton T200/1000 mm Skywatcher Ce vignettage est facilement jugulé en réalisant des
flats. Lors de la réalisation des flats via un écran de lumière
artificielle, je conseille toutefois de ne pas enclencher le mode « obturateur électronique » sinon des
bandes horizontales risquent d’apparaître. Lors de la réalisation des flats
avec lumière artificielle, privilégiez l’obturateur mécanique. L’obturateur
électronique ne doit être enclenché que lors de l’acquisition des images du
ciel profond, afin d’éviter les vibrations et la déformation des étoiles. J’ai également été surpris de constater que la coma était très bien corrigée par mon correcteur
spécialement conçu par et pour la marque de mon télescope à F5. Certes en plein format au foyer d’un Newton la coma est inévitable sur les bords de l’image mais le
résultat reste néanmoins très propre. La coma est
quasiment imperceptible lorsque l’on zoome modérément sur les bords. Attention toutefois à parfaitement collimater
les miroirs de votre télescope et à éliminer le tilt du porte-oculaire car
avec le passage au plein format, la moindre erreur de collimation se
remarque. A cet égard, un collimateur à auto-centrage limitera efficacement
le tilt du porte-oculaire. La combinaison de mon télescope Newton de 200/1000 mm
avec le capteur plein format de l’EOS Ra permet de photographier un champ
d’une dimension comparable à celui que donnerait un capteur APS-C au foyer
d’une lunette astronomique de 80/600 mm. En
d’autres termes, cela permet de profiter de la résolution du T200/1000 mm sur
un champ étendu, ce qui est très appréciable. Je vous prie de bien vouloir trouver ci-dessous quelques
images en grand champ et des crops réalisés à partir
de ces images : M31,
229 poses de 30 secondes avec une sensibilité de 800 iso (cliquer sur l’image
pour l’agrandir) : Crop de
l’image précédente de M31, au niveau de la zone de NGC 206 (cliquer sur
l’image pour l’agrandir) : Crop sur
M13, 133 poses de 30 secondes à 800 iso (cliquer sur l’image pour l’agrandir) : NGC
6995, 115 poses d’une minute à 2500 iso (cliquer sur l’image pour l’agrandir) : NGC
6888, 152 poses d’une minute à 2500 ISO (cliquer sur l’image pour
l’agrandir) : Crop de
l’image précédente de NGC 6888 (cliquer sur l’image pour l’agrandir) : A noter qu’en raison d’une sensibilité s’étendant au-delà
du H-ALPHA (jusqu’au proche infrarouge), un halo rougeâtre apparaît au niveau
des étoiles les plus lumineuses situées en périphérie du champ lorsque l’EOS
RA est utilisé avec un objectif. Ce problème de halo n’existe heureusement
pas lorsque l’appareil est fixé au foyer d’un télescope Newton (soit mon
utilisation habituelle). Lors de l’utilisation de l'EOS RA avec un objectif,
le problème de halo autour des étoiles peut être facilement corrigé en
utilisant un filtre IR-cut. Et la photographie
diurne dans tout ça ? : Enfin, comme beaucoup d’astrophotographes
sont également des amoureux de la nature et des paysages, une autre grande
question est de savoir ce que vaut l’EOS Ra en photos diurnes. Il s’agit là du principal tour de force de Canon qui est
parvenu à rendre l’EOS Ra parfaitement utilisable en journée et ce en dépit
de son filtre spécial laissant passer davantage les rouges profonds. La très bonne calibration de la balance des couleurs faite
en usine confère à l’EOS Ra un aspect polyvalent lui permettant d’embrasser
les deux grandes disciplines que sont l’astrophotographie et la photographie
diurne de paysages (notamment). Les photographies de paysage ci-dessous (non traitées) ont
été réalisées avec l’EOS Ra et un objectif RF de 35 mm.
Elles paraissent équilibrées et ne présentent pas, à l’œil nu, une dominante
rouge en dépit du filtre spécial dont l’appareil est doté. Tout au plus présentent-elles un aspect "chaud",
naturel, très proche de l’observation visuelle, que je trouve agréable et qui
me sied parfaitement. Le
Nez de Jobourg, la Hague, Normandie (cliquer sur l’image pour l’agrandir) : La
baie d'Ecalgrain, la Hague, Normandie (cliquer sur
l’image pour l’agrandir) : Goury, la Hague, Normandie (cliquer sur l’image pour
l’agrandir) : La
réserve naturelle nationale de Vauville, la Hague,
Normandie (cliquer sur l’image pour l’agrandir) : En conclusion : En conclusion, l’EOS Ra est un excellent modèle, encore
perfectible sous certains aspects. Certains astrophotographes
désirant ne faire que de l’astrophotographie et accéder aux longueurs d’onde
en ultraviolet ou en proche infrarouge s’orienteront probablement vers
d’autres solutions d’imagerie spécialisées telles des caméras refroidies à
large couverture spectrale. L’EOS Ra est toutefois un appareil quasi idéal pour
beaucoup d’astrophotographes cherchant à concilier
polyvalence, simplicité d’utilisation et qualité d’images. Pour ma part, cet appareil m’a permis de diversifier les
façons de pratiquer l’astrophotographie, que ce soit sur trépied avec
objectif (en pose courte unique) ou au foyer d’un télescope (en poses longues
et multiples cf. technique du compositage). L’analyse ci-dessus m’est personnelle et a été donnée en
toute spontanéité et indépendance. |